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LETTRES SUR L’INDE

édifiantes, et qui élève l’esprit qui le médite de la créature et des choses passagères vers le Créateur et le monde éternel. N’est-il pas vrai, grand-père ? » — Mon vieux père Mohammed Goul, qui était là, et qui est le plus grand savant du pays afghan, a branlé la tête et a dit : « Oui, je crois que Dourkhani a raison, tu ne peux pas le vendre, » et j’ai pensé en mon cœur, Sâb, que ma fille et mon père ont raison. » — Je ne tenais pas assez à Babou Djan, et j’avais l’esprit trop peu tourné vers les pensées d’édification et vers le monde éternel pour acheter ma part de paradis au prix de la paix domestique de Séid Omar et du déplaisir de la belle et pieuse Dourkhani. Je rendis au Séid le livre édifiant et me contentai du livre profane et périssable. Six mois plus tard, en effet, il périssait sous la dent des rats de Bombay. Avec lui périssait aussi un magnifique Livre des Rois, aux belles miniatures chinoises et aux marges d’or fleuries comme le paradis. Je le rapportais fièrement de Lahore ; mais Dieu n’aime pas les orgueilleux, et un matin je le trouvais rongé, près du cadavre de Talab Chah. Cela se passait en plein Bombay : à quoi pense la police municipale ? Si bouddhiste que l’on soit de cœur, il est dur d’acheter un Firdousi et un Divan pouchtou pour traiter une