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LETTRES SUR L’INDE

thèmes des mollahs, ce qui prouve un certain courage moral.

Un jour, Séid Omar me demande à brûle-pourpoint : « Croyez-vous aux djinns ? » Je n’ai, pour ma part, aucune bonne raison de n’y pas croire ; néanmoins, pour le piquer, je fis l’incrédule. Il me dit vivement : « Vous avez tort : les djinns existent, je le sais ; j’en ai vu deux fois dans ma vie et ne voudrais en revoir pour rien au monde. Une fois, comme je sortais de la maison, un djinn mâle est venu, m’a saisi la main sans mot dire et l’a serrée à la rompre : j’ai pris peur et j’ai crié au secours ; on est arrivé, mais le djinn avait disparu. Une autre fois, le soir, la porte s’est ouverte et j’ai vu entrer ma femme ; furieux, je lui criai : « Pourquoi es-tu sortie sans ma permission ? » et je levais la main pour la battre quand, regardant à droite, je la vis endormie sur le lit. Je compris que l’autre était un djinn femelle. » On reconnaît les djinns à ce qu’ils ont les yeux fendus verticalement ; cela ne doit pas être très beau ; et j’avais fort envie de lui demander si c’était à cela qu’il avait cru reconnaître sa femme ; mais j’ai eu peur que la question ne parût indiscrète. Vous connaissez le proverbe afghan : « Tout ce que tu voudras