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VIII. — LA COUPE DE DJEMCHID

protégés par une cuirasse de terre contre la dent des chèvres ; au-dessus flotte un petit drapeau, qui les garde du mauvais œil.

À quelques pas de là s’étend un de ces longs tombeaux de pierre que l’on appelle des nau gaza, des « neuf mètres ». Quand un vrai fakir meurt, son corps s’allonge dans la tombe jusqu’à la taille de neuf gaz. Quelquefois il va jusqu’à quarante et on l’appelle alors tchehel gaza ; mais les « quarante mètres » sont naturellement beaucoup plus rares, car ils demandent une sainteté beaucoup plus haute. On raconte qu’un jour, aux premiers temps de l’occupation du Pendjab, l’officier chargé du settlement de Péchawer, le major James, reçut la visite d’un fakir qui lui tint ce langage : « Je suis gardien de la tombe de Pir un tel ; or, cette nuit, il m’est apparu en songe et m’a dit qu’il est trop à l’étroit dans sa tombe, parce qu’il a grandi d’un mètre. Il demande donc que vous lui donniez un mètre de terrain — en maâf bien entendu, c’est-à-dire franc d’impôt comme terre sacrée. — Accordé, » répond James, qui ne veut pas se mettre mal avec les saints. Un mois plus tard, nouvelle visite ; le saint a grandi encore, il lui faut deux mètres de plus : « Je ne veux pas gêner sa croissance, répond James ; va pour deux mètres. » Le saint, mis en appétit, grandit, grandit toujours. James