Page:Darmesteter - Lettres sur l’Inde, à la frontière afghane.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
LETTRES SUR L’INDE

jour. Çà et là passe un chameau avec toute une famille, et les petites filles portent aux tresses de leur chevelure des mouhours[1] d’or qui pendillent sur leur front. Un petit garçon, malade, pâle comme la mort, passe solitaire, solidement attaché sur la bosse d’un chameau qui connaît bien le chemin de Caboul, car il marche seul et sans guide : l’enfant dort, les cheveux rabattus sur son front blême et, à la marche saccadée de l’animal, sa pauvre petite tête oscille effroyablement de droite à gauche, comme une chose mal attachée.

Près du borj[2] de Hari Singh, des amas de pierres, avec des haillons de drapeaux aux arbustes. C’est la ziârat des Sharmakh, c’est-à-dire « la ziârat des loups », me dit le Pir. Deux frères, voyageant dans le pays, furent assassinés là par les Afridis : tous les vendredis, les loups y viennent le soir en pèlerinage et on les entend hurler leurs prières. Un petit garçon, fils du gardien de la ziârat, qui vient près de nous, me répète la même histoire. « As-tu vu toi-même les loups ? — Non, Sâb ; mais mon père les a vus. — Appelle ton père. — Mon père est absent et ne

  1. Mouhours, pièces de monnaie d’or, portées en parure.
  2. Borj, tour, fort.