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VIII. — LA COUPE DE DJEMCHID

contient les cendres de Hari Singh : un sadhou[1], nommé Fatteh Singh, entretient la tombe du vieux chef ; il reçoit pour cela du gouvernement anglais trente roupies : il est là depuis dix-huit ans, seul avec les mouches, avec l’ombre de Hari Singh et avec le livre saint, l’Adi Granth, qui repose sur une sorte de prie-Dieu, enveloppé d’autant de mouchoirs de soie que jamais Mascarille eut de gilets. Pour faire honneur aux touristes, le sadhou développe le livre et récite quelques vers en agitant le chasse-mouches en plume de paon[2], afin d’empêcher les mouches d’importuner le livre sacré, qui est vivant.

La légende est un fleuve qui jamais ne tarit. Un sergent anglais, fier de montrer sa connaissance des choses du pays, me dit : « Non, le fort n’a pas été construit par Hari Singh, mais par un autre Sikh célèbre, nommé Djemroud, du temps où les Sikhs dominaient tout le Pendjab. »

C’est demain départ de caravane : nous rencontrons les anneaux de la chaîne qui se rejoignent au caravansérail de Djemroud, où l’on passera la nuit, pour partir le lendemain avant le

  1. Sadhou, religieux sikh.
  2. Le mor.