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VIII. — LA COUPE DE DJEMCHID

Comme je m’avance pour voir de plus près la maison légendaire, mes huit alguazils se précipitent pour me ramener en arrière : mesure préventive pour empêcher les complications diplomatiques. J’ai oublié de vous dire que les huit cents habitants de Djemroud sont en état de guerre civile. Djemroud, en effet, n’appartient ni aux Anglais, ni à l’Émir : il appartient aux Djemroudiens ; or, comme les malheureux Djemroudiens n’ont pas de voisin avec qui se battre, il faut bien qu’ils se tirent entre eux des coups de fusil. Le talab est, à ce point de vue, merveilleusement placé et tout à fait providentiel, car il divise le village en deux parties à peu près égales et l’on sait de cette façon sur qui l’on doit tirer. On se barricade des deux côtés, et tout ce qui montre la tête d’un côté ou de l’autre, feu !

C’est pour cette raison que les abords du talab sont vides aujourd’hui : il n’y a là de Djemroudiens que le sifid rich, sur qui on ne tire pas, et quelques enfants. Vous comprenez bien qu’en temps de paix, à la nouvelle qu’un Firanghi est venu visiter le talab de Djemchid, toute la population mâle serait sur pied, et il y aurait toute une semaine de discussions à la mosquée ou à la houjra, entre les fortes têtes du village, pour savoir quel peut bien être le matlab du Firanghi,