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VIII. — LA COUPE DE DJEMCHID

gouvernement arrête toute entreprise individuelle qui exposerait son auteur au moindre risque. Un officier peut se faire tuer aussi sottement et aussi inutilement qu’il lui plaira, pourvu que ce ne soit pas au delà de la frontière, où une vie d’homme, sacrifiée à propos, pourrait pourtant porter intérêt.

Il y a une vingtaine d’années, un capitaine T…, en garnison à Kohar, se dit un jour, en voyant en face de lui le pays de Tira où personne n’était jamais allé : « Que peut-il bien y avoir là-bas ? » À force d’y réfléchir, il se dit que pour savoir à quoi s’en tenir, le mieux à faire était d’y aller. Il demande un congé de quelques semaines et, se croyant libre, puisqu’il est en congé, part pour le Tira, le traverse dans tous les sens, dresse le plan des routes, recueille tous les renseignements possibles sur la population, apprend entre autres choses avec étonnement que les habitants sont chiites et par suite en haine sourde avec le gouvernement de Caboul et le reste des Afghans et que ce sont des alliés, gagnés d’avance, de tout envahisseur. De retour à son poste, il envoie au gouvernement un rapport confidentiel ; il attendait au moins un merci : il reçoit un blâme sévère et est dégradé ; les Russes en auraient fait un général. À la dernière guerre, un corps d’armée