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LETTRES SUR L’INDE

pauvre Djem n’avait point la tête solide, et, comme il faisait des immortels, il se crut Dieu et voulut être adoré. Aussitôt, le Farri Yazdân, c’est-à-dire la gloire royale qui vient de Dieu, l’abandonna : un serpent à trois têtes, nommé Zohak, vint de l’Arabie et lui prit son trône ; il s’enfuit dans l’Inde et y resta caché mille ans durant ; puis, un beau jour, s’étant aventuré hors de sa retraite, il fut livré au Serpent, qui le scia en deux avec une arête de poisson.

Entre autres merveilles, le roi Djemchid, au temps de sa splendeur, possédait une coupe magique où il voyait tout l’univers et tout ce qui s’y passe. Certains savants prétendent que cette coupe était le soleil qui voit toute chose ; d’autres, que c’était un globe terrestre mis au courant, et il me souvient qu’il y a deux ans, prenant le thé dans un café de Stamboul avec un sage d’Ispahan, nommé Habib, la conversation tomba de la tasse de thé à la coupe de Djemchid, et Habib, me mettant le doigt au front, me dit : Djâmi Djemchid, dili âgâh : « la coupe de Djemchid, c’est le cœur de l’homme de science. »

À quelques milles de Péchawer, il y a un village nommé Djemroud, avec un fort qui est le point extrême occupé par les Anglais. Ce nom de Djemroud m’inquiétait vaguement et un jour