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VII. — LES AFGHANS DE LA REINE

foule des chaudrons de pilau ; les fidèles se ruent en bêtes fauves sur les chaudrons et plongent leurs mains dans la masse bouillante, car ceux qui mangent de ce pilau sont sûrs du paradis. Tout Kaka Kheil est sacré : une caravane chargée d’or, avec le drapeau rouge du saint dans la main d’un enfant, passait sans crainte les passes de Khaiber, au plus mauvais temps des Afridis : le seul européen qui soit allé en Yaghistan, le capitaine Macnair, l’a fait sous la conduite d’un Kaka Kheil. Or, il y a trois ou quatre ans, deux Kaka Kheil, compromis dans une affaire de meurtre, furent condamnés à la corde. Il y eut un frémissement dans toutes les tribus du district et du Border : le Serkar oserait-il pendre un Kaka Kheil ? Il osa : il le fit en plein jour et en plein cantonnement, toute la garnison sous les armes et les canons braqués. Il n’y eut pas une tentative de soulèvement du côté des fidèles, pas plus qu’il n’y eut de miracle du côté du saint.

Ce jour-là, une idée nouvelle entrait dans le dur cerveau afghan, c’est qu’un Kaka Kheil est pendable. Cette propagande par le fait pourra finir par créer une morale.