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LETTRES SUR L’INDE

coup de couteau donné pour le troisième z conduise du même côté. Il ne comprend pas non plus qu’un meurtre de vendetta, l’accomplissement du devoir de talion, soit crime dans le katchéhri du juge, quand c’est devoir et honneur dans la houdjra. Il y a une vingtaine d’années, une femme quittait son mari pour aller vivre avec son amant, laissant un enfant d’un an à son mari ; le mari meurt, l’enfant est élevé par sa famille, et à vingt ans apprend qu’il a son père à venger. Il va au village de sa mère et l’assassine avec son amant : c’était la première fois qu’il la voyait. Cet Oreste s’est sauvé en Yaghistan. Le Sessions-judge lui tresserait un collier de chanvre et les Afghans une couronne.

Une autre chose que l’Afghan ne comprend pas, c’est que l’on porte la main sur un saint, ce que parfois se permet l’Anglais. Il y a, entre autres, une race qui est inviolable aux yeux des Afghans de la Reine : ce sont les Kaka Kheil. Les Kaka Kheil sont les descendants d’un saint très vénéré qui vivait il y a deux siècles, Rahamkâr, dit Kaka Sahib[1]. Il est encore fêté tous les ans, à sa ziârat, près de Péchawer. La fête appelle, toute une semaine, des milliers de pèlerins, et les descendants du saint servent à la

  1. Voir la légende de Rahamkâr dans la treizième lettre.