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VII. — LES AFGHANS DE LA REINE

village à village, et si l’Afghan a appris tous les trucs de la loi, les attentats individuels sont toujours hors de toute proportion avec ce qu’ils sont dans le reste de l’Inde. Le brigand est toujours le héros national et le favori des poètes populaires. Il en est mort un récemment, dont la gloire est dans routes les bouches : c’est Naïm Chah. Voici comment on m’a conté son histoire :

Naim Chah était d’un village situé près de la station militaire de Chérat qui est dans la montagne des Khataks. Il avait un frère qui allait jouer à Nauchéhra, où le kotval, ou commissaire de police, un Sikh nommé Phula Singh, autorisait les gens de la montagne à venir jouer moyennant redevance. Nauchéhra est une place assez importante ; c’est le siège d’un des tehsils de Péchawer, avec un cantonnement pour deux régiments. Elle est située sur la rive droite de la rivière de Caboul qui déferle là, en pleine saison sèche, avec de furieuses poussées de vague qui rappellent le Rhône à Lyon.

Un jour, le kotval souffleta le frère de Naïm Chah et le chassa de Nauchéhra ; l’Afghan alla porter plainte au commandant du cantonnement qui l’envoya promener : n’obtenant pas justice du gouvernement, il alla demander justice à son