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VII. — LES AFGHANS DE LA REINE

Chamkanni en djaguir[1] au khan Kamreddin, il spécifiait une redevance annuelle de vingt têtes d’Afridis. Un jour, il faisait précipiter du haut d’un rocher des prisonniers Afridis ; un de ces hommes, en tombant, se raccroche à une branche d’arbre, remonte à terre, et lui dit : « Dieu m’a fait grâce : ne me feras-tu pas grâce, toi aussi ? » Avitabile fait signe à ses gens de le rejeter dans l’abîme et dit à l’homme : « Je te donne une nouvelle chance. » Des Adrets, le boucher des Cévennes, avait été plus clément.

Les Afghans, aù fond, n’en ont pas gardé mauvais souvenir ; ils admirent Avitabile, reconnaissant en lui un homme de leur trempe. Et un fait curieux, c’est qu’Avitabile a beaucoup rehaussé chez eux le prestige de la France. Comme la plupart des cfficiers au service de Rundjet Singh, ou du moins les plus distingués, Court et Allard, et d’autres, étaient des patriotes Français, qui étaient allés chercher au bout du monde un coin de terre où relever les trois couleurs, les Afghans firent aussi d’Avitabile un Prachich (les Prachich, c’est nous ; un Français se dit en persan Franciss, ce que les Afghans trouvent plus harmonieux de prononcer Prachich : affaire de goût). À Péchawer, où, après cinquante

  1. Fief.