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LETTRES SUR L’INDE

Pendant vingt ans, les Afghans du pays de Péchawer furent écrasés par deux hommes qui ont laissé chez eux un long souvenir d’admiration et d’horreur, le Sikh Hari Singh et l’Italien Avitabile. Chaque année Hari Singh, suivi de ses invincibles Akalis, allait lever l’impôt chez les Yousoufzais, les traquant dans la montagne et dans leurs repaires les plus inacessibles. Longtemps après sa mort, les mères disaient à l’enfant qui pleure : « Tais-toi, ou Hari Singh va venir » ; et aujourd’hui encore les vieillards montrent la place où « le tigre (le Singh) les chassait comme des moutons ». Il est tel village, niché sur son aire d’aigle, qui considère comme son titre de noblesse de n’avoir pas vu Hari Singh.

Hari Singh périt dans la victoire, à Djemroud, et fut remplacé par Avitabile. Avitabile, Napolitain de naissance, était un de ces officiers de la grande armée, qui, après Waterloo, allèrent chercher fortune en Asie : c’était un homme d’un grand talent administratif, mais d’une énergie atroce. Il fit aux montagnards une guerre d’extermination, d’extirpation ; tout montagnard pris, armé ou non armé, était envoyé au gibet. Il lui fallait tous les jours, à déjeuner et à dîner, deux Afghans pendus à sa fenêtre. Donnant