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VII. — LES AFGHANS DE LA REINE

grands chefs, inféodés au Grand Mogol, ont appris à la cour de Delhi des élégances qu’ils ne soupçonnaient pas : chez les Khataks surtout l’instinct littéraire s’est éveillé et, au temps d’Aurengzéb, leur khan, Khouchal Khan, devenu l’élève des poètes hindoustanis et persans, mais gardant toute la sève sauvage des passions nationales, créait une poésie nouvelle, à la fois savante et vivante, rapidement dégénérée parmi ses successeurs, mais souverainement originale chez lui, parce que c’était une âme jetée dans un moule plus rare[1].

Les Afghans étaient semi-indépendants sous les Mogols : ce sont les Sikhs qui les premiers les matèrent et leur apprirent qu’un Afghan même peut être asservi : les Sikhs mâchèrent la besogne pour les Anglais, qui n’eurent qu’a recevoir de leurs mains la matière toute préparée.

La grandeur des Sikhs commençait quand Ahmed Chah fondait son empire ; ils avaient inquiété ses derniers moments et n’avaient fait que grandir entre le Grand Mogol en ruines et l’empire dourani, déjà en décomposition. Le fanatisme de Mahomet rencontrait enfin en face de lui un fanatisme plus jeune, aussi ardent et mieux organisé, celui de Govind, et il plia la tête.

  1. Voir la treizième lettre.