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LETTRES SUR L’INDE

vers les montagnes jusqu’au camp des Hindoustanis et de le réduire en cendres.

L’objet de l’expédition était atteint, et l’armée anglaise revint par la passe d’Ambéla, sans avoir à tirer un coup de fusil. Mais elle avait laissé à l’entrée, en tués ou blessés, le dixième de son effectif. Cette campagne, qui se terminait officiellement par un succès, avait révélé d’une façon frappante et le fort et le faible des deux races en présence. Elle laissa un souvenir sinistre dans le Pendjab, et les Afghans, qui s’inquiètent toujours fort peu du résultat final, chantèrent Ambéla comme une victoire. Ils avaient raison au fond, sinon dans la forme, et la poésie populaire poussa un cri de triomphe épique, d’une éloquence farouche, et qui, après vingt-cinq ans, retentit encore dans la montagne :

Sur la crête de Qatal-garh les Firanghis ont eu longue douleur ; il y a eu des cris de terreur. La nuit passait sur eux quand ils voyaient les Ghazis ; le désespoir a fondu sur eux.

Sur la crête de Qatal-garh les Firanghis ont réuni leurs troupes : de loin s’abattaient sur eux les Bounervals, tels que des faucons ; j’ai été stupéfait de leur élan.

Les jeunes gens portaient des ceintures rouges et des boucliers à deux couleurs ; des cris s’élevaient de tout côté : les balles de rifles pleuvaient comme la pluie.