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VI. — LE COBLENTZ MUSULMAN

60,000 hommes, toutes les forces du Yaghistan, venaient, à tour de rôle, barrer la passe d’Ambéla et dire au Firanghi : Tu n’iras pas plus loin.

Malgré des renforts répétés, Chamberlain resta des semaines entières à l’entrée de la passe, sans avancer d’un pas : tel pic fut trois jours de suite pris, perdu et repris ; il est resté célèbre, chez les Afghans, sous le nom Qatal-garh, le château du massacre. Les Afghans montrèrent une folie d’héroïsme que les derviches du Mahdi ont seuls égalée depuis ; ils chargeaient sans armes sur les canons pour les boucher avec leurs manteaux. La ténacité de résistance des Anglais épuisa enfin la constance des coalisés : toute coalition de tribus est chose capricieuse, le temps est sûr de l’user ; « les jalousies, une panique, un malentendu la font fondre en un instant comme une neige de printemps. » La diplomatie anglaise et les roupies accélérèrent le mouvement de décomposition. Certains clans des Bounervals se retirèrent soudain : c’était le signal de la débandade ; la défiance était entrée dans le grand corps et chaque membre ne songea plus qu’à lui-même. Ce fut chaque jour une nouvelle défection, et à la fin, faisant volce-face complète, la Djirga générale des Bounervals offrait ses services au général anglais ec acceptait de le guider à tra-