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VI. — LE COBLENTZ MUSULMAN

logien et un orthodoxe, non pas un homme d’action et un réformateur ; il aimait peu le politique et haïssait le Wahabite. Séid Ahmed était alors tout puissant : Abdoul Ghafar fut forcé de s’enfuir et se réfugia dans le pays de Svat, à Sédou ; sa réputation de sainteté l’y avait précédé et il devint le Pape du pays ; quand le « Maître de Svat », le Sahib Svat, avait parlé, il n’y avait plus à discuter.

Durant les vingt années qui suivirent la mort de Séid Ahmed, le prestige du Sahib Svat ne fit que grandir : il était l’autorité suprême pour tout l’Islam du Nord et de l’Asie centrale. À Sédou, il recevait des milliers de visiteurs, qui venaient de tous les coins du monde musulman prendre ses oracles et demander sa bénédiction. Ses fetvas sur les cérémonies religieuses et les observances séculaires faisaient loi et font encore loi chez tous les Sunnis du Nord-Ouest : le tabac est le seul pouvoir contre lequel ait échoué leur autorité. C’était plus qu’un grand fakir, c’était un Ghaus, c’est-à-dire un de ces saints merveilleux que, d’âge en âge, le ciel envoie à la terre, pour lui rappeler qu’il veille toujours sur elle.

Si détaché qu’il fût de la politique militante, le Sahib de Svat ne put voir sans inquiétude les Anglais devenir les voisins de Svat. Il engagea