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LETTRES SUR L’INDE

britannique, la justice fait la guerre au badal, mais sans succès : c’est là un des crimes pour lesquels nul témoin ne parlera. Il est peu d’Afghans dans la montagne qui n’ait un ennemi héréditaire dont il vise la tête ou qui vise la sienne. Il n’est pas rare qu’un sipaye afghan du Yaghistan demande un congé « afin d’aller au pays pour affaire : » c’est qu’il y a là-bas quelque tête de loup qui lui appartient[1].

Le mailmastai est la grande vertu afghane : c’est l’hospitalité au sens le plus large du mot. L’Afghan doit l’abri et la nourriture à tout voyageur, à tout étranger qui frappe à sa porte. C’est un devoir de la commune aussi bien que de l’individu : la houdjra ou maison commune est l’asile de ceux qui n’en ont pas. Même dans les districts anglais, le maire de village, le malik ou lambardar, perçoit un revenu spécial, le revenu de malba où d’hospitalité, pour traiter les voyageurs qui passent. Le délit de vagabondage est impossible chez les Afghans. Pauvre ou riche, le devoir est le même pour tous ; le pauvre reçoit en pauvre, le riche reçoit en riche. Il arrive souvent que le pauvre veut recevoir en riche et le

  1. Le contingent afghan comprend beaucoup d’hommes d’au delà de la frontière, Afridis, Gadouns, etc.