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V. — LES AFGHANS DU YAGHISTAN

Il fit cinq kros[1], mes amis ; la salive se desséchait dans la bouche de Pirmamai.

Goudjar Khan l’atteignit du bout de sa lance ; les côtes de Pirmamai furent transpercées de part en part.

Il fit rouler Pirmamai de cheval à terre : Pirmamai pleurait et suppliait Goudjar Khan.

Pirmamai disait : « Ô Goudjar Khan ! je suis ton père. J’ai fait cette action par folie. »

Goudjar Khan répondit : « Je le jure, je ne te laisserai pas là. Tu as couvert du rouge de la honte des générations de Pouchtouns[2]. »

Il tira son épée persane et l’abattit ; les os de Pirmamai furent réduits en fine poussière.

Goudjar Khan galopa sur son cheval blanc et disparut : les chairs de Pirmamai furent dévorées aux chacals.

Bourhan[3] dit : « Goudjar Khan a fait acte de Pouchtoun. »

Le badal est la vendetta : elle est chez les Afghans ce qu’elle est chez les Corses, chez les Albanais, héréditaire et imprescriptible :

Morts sont les pères, mais les fils sont vivants,

dit notre Chanson des Lorrains. Sur le territoire

  1. Dix milles.
  2. D’Afghans. Ses ancêtres et ses descendants,
  3. Nom du poète, encore vivant ; il m’a lui-même récité son poème à Abbottabad. C’est l’habitude que le poète introduise son nom dans le dernier vers de la pièce.