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V. — LES AFGHANS DU YAGHISTAN

étant célibataire. Déja les poètes populaires partaient pour Bouner, le rebâb au bras, pour chanter les prouesses des fidèles, les gloires de la guerre sainte et les yeux noirs des houris qui attendent les ghazis, la coupe en main, dans le Walhalla de Mahomet. Cependant le blocus avait été établi dès l’abord et fonctionnait sévèrement ; pas un chameau de Bouner ne passait le fil de la frontière. Les Bounervals se lassèrent et les journaux de l’Inde annonçaient récemment qu’ils venaient d’accepter les conditions du gouvernement.

La guerre est donc différée pour cette fois et les Bounervals en sont réduits à se tirer entre eux des coups de fusil. Rassurez-vous, d’ailleurs : l’occasion ne leur manquera pas de longtemps, tant que Dva Sara et Ilam seront sur leur base. Dva Sara et Ilam sont deux montagnes de Bouner, habitées par deux clans différents. Quand les gens de l’un en veulent aux gens de l’autre, ils vont les trouver amicalement, amènent insidieusement la conversation sur Dva Sara et Ilam, et demandent enfin quelle des deux montagnes est la plus haute, d’Ilam ou de Dva Sara[1]. « C’est Dva Sara », disent les gens de Dva

  1. Selon le grand atlas indien de 150 cartes, c’est Ilam qui doit s’incliner : Dva Sara a 10, 121 pieds, Ilam n’en a que 9, 341.