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LETTRES SUR L’INDE

Caboul, que toute leur fortune avait été confisquée et que leur tête branlait sur l’épaule. On les avait dénoncés pour malversation : un homme dénoncé est toujours coupable quand il est riche, et je crains pour la tête du pauvre Mohammed.

La mode à la cour de Caboul est tout à l’anglaise. À l’entrevue de Rawul-Pindi, on avait éclairé la ville à l’électricité pour faire honneur à l’Émir : il fut ébloui et engagea aussitôt un ingénieur pour installer l’éclairage électrique dans son palais. Il y a à Péchawer une sorte de « Bon Marché » ou de « Whiteley », où vous trouvez toutes les élégances de Regent Street : c’est un magasin fondé en 1848, avant l’occupation anglaise, par un de ces Parsis entreprenants qui vont aussi loin et parfois plus loin et plus vite que les colonnes anglaises ; la maison a poussé des succursales à Rawul-Pindi, Cherat, Murree et jusqu’à Cachemire. L’Émir, de passage à Péchawer, visita le Whiteley parsi, fut charmé et demanda au propriétaire, Darabji, de fonder une succursale à Caboul. Darabji hésitait : les Parsis seront-ils en sûreté au milieu de Musulmans aussi… convaincus que ceux de Caboul ? Leurs ennemis ne trouveront-ils pas le moyen de les rendre suspects auprès de l’Émir ? — « Comment, s’écrie l’Émir indigné, en mon-