Le sultan était à la chasse quand le Mahdi lui fut présenté : il l’interrogea, et le précurseur, renonçant à son rôle, répondit avec tant de bonne grâce que le sultan, charmé, se l’attacha pour page. Quelque temps auparavant, Sabtai, dénoncé comme imposteur par un rabbin dont il avait refusé les services comme vicaire du Messie, avait aussi comparu devant le sultan et, au grand scandale des siens, avait dû, pour lui répondre, faire appel aux bons offices d’un interprète : l’émotion lui avait fait perdre le don des langues. Ce fut bien pis quand le sultan le fit attacher nu à la cible et offrit de se convertir si les flèches s’émoussaient sur son corps : Sabtai déclina l’épreuve, coiffa le turban, obtint une place de porte-clefs au harem, et le sultan eut le plaisir d’avoir sous la main l’Antéchrist pour concierge et le Mahdi pour valet de chambre — ce qui ne l’empêcha pas, quelques années plus tard, d’être étranglé par ses janissaires, suivant la coutume ottomane (51).
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