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destins, avec tes pauvres deux mille années ! Ah ! pour nos fils, nos flancs avaient reçu, de la fleur et du rayon, de la vie pour plus de siècles que ta mère des baisers du Verbe. »

Le Christ se détourne avec horreur ; il cherche, il cherche, d’un regard vague, dans l’illumination des faces haineuses, une face sans haine.

De tous les rebords de l’abîme jaillissent les rayons de leur colère ; partout les bras menaçants tendus et les cris qui raillent et qui ragent.

Jésus dans l’angle des hauteurs aperçoit le poitrail des Chérubins : il tend vers Jahveh des mains pleurantes : « C’est moi, mon père ! Éli, Éli, lama sabachthani[1]. »

Entre les têtes dressées des deux taureaux, jaillit comme une flèche la colonne de feu ; elle frappe à la face Jésus chancelant, et la grande voix gronde : « Ani Adonaï, Ekhad[2]. »

Il recule, il recule, aveuglé, frissonnant : soudain, voici qu’il s’arrête : une ombre de sourire éclaire son front pâle, un espoir ;

  1. Mon Dieu, mon dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
  2. C’est moi qui suis le Seigneur, et moi seul »