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les minces filets blancs des rivières ; le voilà déjà sur la vague d’Érin, sur la chaussée que foule le pied sonore des géants.

Il va, il va sans reprendre haleine, sur l’immense repli vert des flots ; il va dans la blancheur du ciel nocturne, à travers les ruissellements d’étoiles.

Il va ; des voiles blanches sous nos pieds tournoient dans des tournants de cyclone : des orages se heurtent à notre vol, et les nuages noirs veinés d’éclairs saignent au passage sur nos fronts.

Il va, il va ; le long, le long voyage ! Oh ! que de milles, que de milles, que de milles ! Voici les volcans de glace, les barrières du globe, le collier d’ivoire de Cybèle.

Le soleil paraît derrière nous, allongeant des rayons las, faible et froid et de sourire alangui, du sourire triste d’un enfant malade.

Et Lui, de la cime du pôle qui neige, il bondit dans l’axe du monde, au-devant de l’Ourse : « Ferme tes narines et aspire à pleine âme les souffles du monde inconnu ! »

La terre s’évanouit au lointain ; j’entends son soupir plus faible, de sa grande poitrine