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Nous entrons ici dans la troisième période, celle de la dispersion, période qui, d’ailleurs, ne commence pas à une date ni à une heure fixe, car elle a commencé bien avant la fin de l’unité nationale, et les histoires juives s’ouvrent en maint lieu avant la fin de l’histoire juive, elles s’ouvrent avant le christianisme même en Égypte, en Asie-Mineure, en Italie, à Rome, en Grèce, dans la Gaule méridionale, où les dissidents de la synagogue vont former le noyau des églises primitives. Dès une époque très reculée, des colonies sont descendues en Arabie, ont converti des tribus, fondé des états : leur propagande, née des échanges d’idées, du commerce quotidien plus que d’un plan suivi, gagne de proche en proche et agit même sur ceux qu’elle ne convertit pas ; les Arabes idolâtres acceptent de leurs mains les traditions bibliques et rabbiniques, et refont leurs légendes généalogiques sur les récits de la Genèse. Plus tard, vient s’ajouter la prédication des sectes judéo-chrétiennes, refoulées par l’orthodoxie naissante. Mahomet, à l’école des Juifs et des Judéo-chrétiens, fonde l’Islam, dont le dogme est le dogme juif, tombé dans une intelligence plus étroite, et dont la mythologie est essentiellement rabbinique et judéo-chrétienne.

Ainsi, à partir du septième siècle de notre ère, deux colonies du Judaïsme couvrent le domaine de la pensée humaine, colonies en lutte avec leur métropole, qui la maudissent, et qui la renient, non point seulement par le mépris dont elles la poursuivent, mais, chose plus grave et plus funeste pour elles, en déformant, chacune à sa façon, les principes qu’elles en ont reçus : l’Occident chrétien, en gardant de son passé l’esprit mythique, qu’il rend plus fatal qu’il ne fut au temps des dieux, parce qu’en le portant dans le dogme, il accule la science au silence ou au blasphème ; l’Orient arabe, en faisant de son Dieu la