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cherché et qui l’a trouvé est opprimé et saignant, c’est sans doute qu’il lui est réservé dans le lointain une éclatante et magnifique réparation : c’est des mains de Juda que les peuples mêmes qui l’ont écrasé viendront donc un jour prendre la vérité, et la félicité et la justice règneront sur le monde entier au nom du Dieu d’Israel. C’est ainsi qu’aux environs de l’exil, à la voix d’Isaïe, de Jérémie, d’Ézéchiel et du chœur des prophètes, commence la mission historique d’Israel : son grand dogme est trouvé et sa grande espérance : car le Dieu Un est fait et le Messianisme va naître.

Pendant l’exil et au retour, cet élément nouveau et universel se fond avec l’élément ancien et national, le Jéhovisme avec l’Élohisme, et la religion d’Israel prend sa forme définitive, le Judaïsme. De l’ancien élément national restent les rites, les cérémonies, les observances spéciales, legs bizarre de la vieille idolâtrie sémitique, qui a pris un sens nouveau avec la transformation religieuse, et qui, devenu d’abord le signe d’alliance de l’Hébreu avec son dieu, devient à la fin le signe de ralliement du Juif avec le Juif, le lien d’unité dans la ruine de la nationalité ; c’est l’élément qui l’isole et le fait durer. L’élément nouveau et universel, l’élément jéhoviste, lui donne les deux idées avec lesquelles il va renouveler le monde. Ainsi se forme une religion, la plus étroite et la plus large de toutes, toute d’isolement par le culte, toute d’expansion par l’idée, et agissant d’autant plus puissamment par l’une qu’elle se maintient plus énergiquement par l’autre, condition excellent pour durer et pour agir, et convertir le monde à ses principes sans se laisser entamer par les concessions opportunistes de la propagande.