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cryphe, journellement enrichie de nouvelles découvertes, et dont le caractère est si flottant que souvent l’on se demande si l’on a affaire à l’œuvre d’un juif ou d’un chrétien[1].

Dans la troisième période, celle de la dispersion, la recherche se subdivise à l’infini avec la destinée du peuple juif. Dans chaque branche de cette histoire, le même fait se représente de l’agrandissement de la recherche par la rencontre inattendue de deux mondes. Ici tout était à créer. D’une part, il fallait retrouver et étudier toutes les œuvres si diverses écloses sur tous les points de l’horizon juif durant tout le moyen âge[2]. D’autre part, il fallait que l’étude particulière des divers peuples musulmans ou chrétiens, chez qui le hasard avait jeté les Juifs, fût faite ou commencée : d’un côté et de l’autre, l’œuvre commence à peine. Or, ici encore, les deux mondes se rejoignent de jour en jour, et à mesure que l’on en pénètre l’histoire intime, on reconnaît de plus en plus l’impossibilité de les séparer et de les comprendre l’un sans l’autre : ici encore, l’historien du peuple juif est forcé de se faire l’historien des Arabes ou de l’Europe, et l’historien des Arabes ou de l’Europe rencontre à presque tous les grands changements de la pensée une action juive, soit éclatante et visible, soit sourde et latente.

Ainsi l’histoire juive longe l’histoire universelle sur toute son étendue, et la pénètre par mille trames. Elle ouvre par là à la recherche un champ d’une variété infinie et d’une unité parfaite, et elle offre à la psychologie histo-

  1. Oracles Sibyllins, le 4e livre d’Esdras, Assomption de Moïse, Psautier de Salomon, livre d’Enoch, etc.
  2. Zunz, Neubauer, Steinschneider, Institut de France (Histoire des Rabbins français, dans l’Histoire littéraire, par M. Ernest Renan).