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le sol épuisé de la Judée nous livre un hymne de triomphe de Moab, écrit aux jours d’Élisée, et que le prophète a pu lire de ses yeux[1] ; c’est le cri même des combattants bibliques qui remonte jusqu’à nous du fond de vingt-sept siècles, le bruit même des « Guerres de l’Éternel. »

Arrivé à la seconde période, quand l’on s’est mis à débrouiller le chaos de la littérature talmudique[2], Mischna, Gemara, avec leurs innombrables annexes, il s’est trouvé que cette immense compilation, faite sans ordre et sans l’ombre d’une pensée historique, offre à l’histoire une mine inépuisable, et permet de suivre le développement de l’esprit juif, et jusqu’à un certain point de l’esprit oriental, sur une étendue de plus de six siècles, précisément durant l’époque qui a vu naître le christianisme, c’est-à-dire à un des moments décisifs de la civilisation, à un des tournants de l’histoire. À la même époque, tous les travaux que la science, laïque ou théologique, catholique ou protestante, accumulait autour des origines du christianisme, ramenaient la question chrétienne à une question juive, et imposaient cette double conclusion qu’on ne peut comprendre la formation du christianisme sans connaître avant tout le judaïsme du premier siècle, ni connaître le judaïsme dans toute son étendue sans cette branche qui s’appelle le christianisme primitif[3]. Tout ce que la science a gagné dans l’histoire des origines du christianisme s’est trouvé autant de gagné pour celle du judaïsme, et ainsi à côté de la littérature talmudique est venue se ranger cette vaste littérature apo-

  1. Stèle de Mescha (au Louvre, salle judaïque).
  2. Rappaport, Geiger, Derenbourg, Frankel, Jost, Graetz, Fürst, Zunz, etc.
  3. Voir le Manuel de Schürer.