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cachées, mais non moins puissantes peut-être ni moins durables, qu’il a exercées au moyen âge sur la formation de la pensée moderne.

Cette grande histoire ne pouvait se tenter ni s’entrevoir avant ce siècle. Il fallait pour cela deux conditions qui ne commencent guère à se réaliser que de nos jours, l’une d’ordre moral, l’autre matériel. D’une part, comme cette histoire est avant tout religieuse, et, par suite, dans l’état présent des esprits, est un perpétuel appel à la plus irritable de toutes les passions, il fallait que la liberté de penser fût entrée, non seulement dans la loi, non seulement dans les mœurs, mais, chose plus difficile, dans l’intelligence même du savant ; il fallait que la recherche cessât d’être corrompue par l’esprit de secte ou de philosophisme, que l’histoire de la religion cessât d’être un champ de bataille. Certes, ceux qui s’occupent de ces études ne sont pas encore tous arrivés à ce degré d’impartialité sereine où le savant étudie les choses pour comprendre ce qu’elles ont été, et porte assez haut l’orgueil de la pensée pour ne pas se laisser dicter d’avance ses conclusions par les préoccupations passagères du politique, du croyant ou du métaphysicien. Mais quelques-uns se sont élevés jusque-là, et cela suffit pour que la science soit.

D’autre part, il fallait qu’une succession de découvertes inouïes et inattendues vînt combler les profondes lacunes de l’histoire juive et éclairer ses obscurités sans nombre. Des trois grandes périodes de cette histoire, — l’une allant des origines au retour de l’exil, la seconde du retour de l’exil à la dispersion, la dernière de la dispersion à la Révolution française, — chacune n’était représentée que par des documents incomplets ou inaccessibles. Pour la première, on n’avait qu’un livre, la Bible, œuvre des âges, faite de fragments, de feuillets détachés, où souvent une