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« Celui qui, puissant taureau, armé de sept rayons, a lâché, fait courir les sept rivières, qui foudre en main a foulé aux pieds le Rohina escaladant le ciel, — ô hommes, c’est Indra !

« La terre et le ciel devant lui s’inclinent, à son frémissement les montagnes tremblent ; le buveur de Soma, voyez-le, la foudre au bras, la foudre en main, — ô hommes, c’est Indra[1]. »

Mais l’usurpateur ne jouit pas longtemps de son triomphe : en pleine victoire, il est déjà mordu au cœur, frappé de mort par une nouvelle et mystique puissance qui croît à ses côtés, celle de la prière, du sacrifice, du culte, celle du Brahman, dont le règne commence à poindre à la fin de la période védique et aujourd’hui dure encore[2].


Ce qu’Indra a fait dans l’Inde dans une période historique, Perkun et Odin l’ont fait dans une période préhistorique, l’un chez les Lituaniens, l’autre chez les Germains. Perkun et Odin sont l’Indra de ces deux peuples et ont détrôné chez eux le dieu du ciel. Perkun était le dieu du tonnerre chez les Lituaniens païens et l’on reconnaît en lui un frère du Parjanya indien, une des formes du dieu d’orage dans la mythologie védique. Ce roi du Panthéon lituanien est un roi de fraîche date : ce qui le prouve, c’est que les Slaves, si étroitement apparentés aux Lituaniens de croyance comme de langue, et qui connaissent aussi le dieu Perkun, ont encore pour dieu suprême le dieu suprême de la vieille religion aryenne, le dieu du ciel, Svarogu.

  1. RV. II. 12
  2. Voir l’Essai suivant, § 38.