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humaine montant de l’autel au ciel, prière céleste retentissant dans le fracas de l’orage, dans la bouche d’un prêtre divin et descendant des hauteurs dans les torrents de libation versés de la coupe du ciel ; toutes les forces de la nature, concrète ou abstraite, frappant à la fois l’œil et l’imagination de l’homme, s’élevaient du même coup à la divinité, Si le dieu du ciel, plus grand dans le temps et dans l’espace, toujours présent et partout présent, s’élevait sans effort au rang suprême, porté par son double infini, d’autres, d’une action moins continue, mais plus dramatique, se révélant par des coups de théâtre subits, maintenaient leur antique indépendance, et le développement religieux pouvait amener leur usurpation sur le roi du ciel. Déjà en pleine période védique, Indra, le dieu bruyant de l’orage, monte au plus haut du Panthéon et éclipse son majestueux rival de sa splendeur retentissante.

Il est le héros favori des Rishis védiques ; ils ne se lassent point de conter comment il a foudroyé le serpent du nuage qui enveloppait dans ses replis la lumière et les eaux, comment il a brisé la caverne de Çambara, délivré les Aurores et les Vaches prisonnières qui vont répandre sur la terre à torrents leurs larges flots de lumière et de lait. C’est lui qui fait reparaître le soleil, reparaître le monde annihilé dans la nuit, c’est lui qui le recrée, qui le crée[1]. Dans toute une série d’hymnes il monte aux côtés de Varuna et partage avec lui l’empire : enfin il monte au-dessus de lui et devient le roi universel :

« Celui qui, une fois né, aussitôt, dieu de pensée, a dépassé les dieux par la force de son intelligence, au frémissement duquel ont tremblé les deux mondes, à la puissance de sa virilité, — ô hommes, c’est Indra !

  1. Voir l’Essai suivant, §§ 2-5.