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Ce dieu qui régnait au moment où la religion de l’unité aryenne se brisa, les diverses religions qui naquirent d’elle l’emportèrent avec elles dans les diverses régions où les porta le hasard des migrations aryennes. Des cinq religions qu’il domine, trois lui restèrent fidèles jusqu’au bout et ne l’abandonnèrent qu’au moment où elles périssaient elles-mêmes : ce sont celles des Grecs, des Latins et des Slaves chez qui Zeus, Juppiter et Svarogu ont perpétué, tant qu’a subsisté la religion nationale, les titres et les attributs du dieu suprême des Aryens. Ils succombèrent devant le Christ : le Ciel-Père disparut devant « le Père qui est au ciel ».

L’Inde, au contraire, oublia très vite ce dieu dont elle fait pourtant, mieux que toute autre, comprendre l’origine et la formation : et ce n’est pas un dieu étranger qui le détrôna, un dieu venu du dehors, mais un dieu indigène, un dieu de sa famille, Indra, le héros de l’orage.

En effet le dieu suprême des Aryens n’était pas le dieu un[1] : l’Asura, le Seigneur, n’était pas le Seigneur à la façon d’Adonaï. Il y avait à côté de lui, en lui, nombre de dieux, ayant leur action propre et souvent leur origine indépendante. Les vents, la pluie, le tonnerre ; le feu sous ses trois formes : — soleil au ciel, éclair dans la nuée, feu terrestre sur l’autel ; la prière sous ses deux formes : — prière

  1. J’accentuerai très volontiers cette réserve en reproduisant les observations si justes de M. Barth, à propos de cette étude même, Revue des Religions, I, 118 : « Cette hiérarchie, ce monothéisme relatif n’était pas aussi net dans la conscience des hommes… Dans la pratique surtout, comme on le voit par les chanta du Veda, il paraît avoir été fort voilé. Ces vieux adorateurs n’avaient pas le regard constamment fixé sur leurs Olympiens. À côté de cette religion céleste, il y en avait notamment une autre, toute d’actes et de rites, une sorte de religion de l’opus operatum, qui n’avait pas toutes ses racines dans la première, qui probablement ne lui a jamais été subordonnée. »