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marche régulière, a amené tour à tour le jour et la nuit, toujours la lune s’est allumée à l’heure, toujours les étoiles ont su où aller durant le jour, toujours les rivières ont coulé dans l’unique Océan sans le remplir. Cet ordre universel, c’est le mouvement du ciel ou c’est l’action du Dieu du ciel, suivant que la pensée s’arrête au corps ou à l’âme, au ciel-chose ou au ciel-dieu. Aussi, pour le Rig Veda, dire « tout est dans Varuna », c’est-à-dire « dans le ciel » ou dire « tout est par Varuna », « c’est-à-dire par le Dieu-ciel » sont choses identiques, et dans ses formules, si claires dans leur incertitude, le théisme coudoie sans cesse le panthéisme inconscient dont il n’est qu’une expression. « Les trois cieux reposent en Varuna et les trois terres » dit un poète, et, aussitôt après, rendant la personnalité à son dieu : « C’est l’habile roi Varuna qui a fait briller au ciel ce disque d’or. » — « Le vent qui bruit dans l’atmosphère est son souffle et tout ce qui est d’un monde à l’autre est sa création. » — « Cette terre ici-bas est du roi Varuna et ce ciel là-bas, 6es deux mondes aux bornes lointaines : les deux mers sont le ventre de Varuna et jusque dans cette petite mare d’eau il repose. »

Ce théisme panthéistique, qui distingue mal le Dieu du ciel de l’univers qu’il régit ou qu’il renferme, pénètre Jupiter aussi bien que Varuna. Les poètes latins offrent l’équivalent des formules vacillantes du Védisme. « Les mortels, — dit Lucrèce expliquant l’origine de l’idée de Dieu, — les mortels voyaient rouler dans un ordre fixe les mouvements réglés du ciel et les saisons diverses de l’année, et ne pouvaient découvrir par quelles causes cela se faisait. Ils n’avaient donc d’autre refuge que de tout livrer aux mains des dieux et de faire tout marcher au gré de leur volonté. Et c’est dans le ciel qu’ils placèrent le siège et le domaine des dieux parce que c’est dans le ciel