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Héraclius aux réformes de militarisation de Khousro Noushir-van sont mises en relief aussi par les analogies que trahissent les circonstances et les résultats des deux réformes. En Perse comme à Byzance, ces réformes tendaient, au point de vue de la politique extérieure, à épargner au pays les dangers d’une guerre sans cesse menaçante ; sur le plan de la politique intérieure, c’étaient des mesures destinées à contrebalancer la suprématie de la classe féodale des grands propriétaires. À Byzance, dans la seconde moitié du VIe siècle, cette classe fut si puissante qu’elle commença à s’arroger des privilèges réserves aux empereurs. C’est pourquoi il fut nécessaire dans tous les deux États d’assurer aux petits feudataires militaires — grâce à l’intervention d’éléments étrangers belliqueux — une indépendance parfaite vis-à-vis des grands propriétaires, de les subordonner directement à l’empereur et de créer par là pour le pouvoir impérial un soutien efficace et digne de confiance contre les dangers intérieurs et extérieurs. Contrairement à l’esprit franchement aristocratique de l’organisation d’état des Parthes et des Sassanides, on doit assigner aux réformes de Khousro et d’Héraclius un caractère à la fois démocratique et monarchique. En Perse cette réforme n’eut qu’une existence bien éphémère, mais à Byzance elle connut une floraison de 400 ans qui suffit à élever l’empire à l’apogée de sa puissance. Toutefois, dès que ce système eut atteint le point culminant de son évolution, il fut attaqué, à partir de la seconde moitié du XIe siècle, par la réaction, à savoir par les grands propriétaires et leurs compagnons d’armes les hauts fonctionnaires. Ces attaques se dirigèrent contre le noyau même du système, les anciens fiefs militaires (στρατιωτικόν κτήμα) ; on tendait à les confisquer, à leur imposer des taxes fort onéreuses ou, enfin, à les transformer dans de nouveaux fiefs dits « πρόνοια » et destinés à récompenser des services ecclésiastiques et civils. C’étaient là des moyens pour raffermir l’importance de la grande propriété féodale. Ce changement radical poussa l’empire dans la voie d’un déclin rapide : à défaut de forces militaires appropriées, il ne put faire face aux attaques réitérées des Seldjouks et des Osmanlis ; quant à l’empereur, il se montra trop faible pour freiner les abus des grands propriétaires. Les vaines tentatives par lesquelles les Lascarides et les Paléologues essayèrent de restituer