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LE VOLEUR

— C’est mon avis.

— Le genre de vie que vous choisissez, à part ses risques (mais quelle profession n’a pas ses dangers ?) me semble pleine de charmes pour un esprit indépendant. Carrière accidentée ! Vous verrez du pays, et peut-être des hommes. On passe partout avec de l’argent, et l’on ne vous demande guère d’où il vient ; excusez cette banalité.

— De bon cœur. Ma vie ne sera peut-être pas très gaie, et ne sera point, sûrement, ce que j’aurais désiré qu’elle fût. Mais elle ne sera pas ce qu’on aurait voulu qu’elle eût été ! La loi, qui a permis qu’on me fît pauvre, m’a condamné à une existence besogneuse et sans joie. Je m’insurge contre cette condamnation, quitte à en encourir d’autres.

— Ne vous révoltez pas trop, dit Issacar ; ça n’a jamais rien valu. Contentez-vous de donner l’exemple en vivant à votre fantaisie. Pourtant, si vous pouvez retirer un plaisir d’une comparaison entre l’état qui sera le vôtre et la situation que vous assignait la bienveillance de la Société, ne vous refusez pas cette satisfaction.

— C’est un parallèle que j’établirai souvent, et à un point de vue surtout.

— Celui des femmes, je parie ?

— Tout juste ! Ah ! les bourgeois sont bien vils ; mais ce qu’elles sont lâches, leurs filles ! Elles peuvent se vanter de le traîner, le boulet de leur origine !

— Comme vous vous emportez ! Ne pouvez-vous dire tranquillement que les honnêtes filles du Tiers-État ont la prétention ridicule de vouloir faire payer leur honnêteté beaucoup plus qu’elle ne vaut ?… Auriez-vous eu quelque petite histoire avec une de ces demoiselles, ces temps derniers ? Votre brusque arrivée à Bruxelles, quand j’y réfléchis, me laisserait croire à un drame.

— Ni drame ni comédie ; quelque chose de pitoyable et qui n’a pas même de nom. N’en parlons pas ; c’est fini. Seulement, j’en ai assez, des femmes