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LE VOLEUR

Charlotte secoue la tête tristement. Elle vient s’asseoir près de moi et me prend la main.

— Et toi, que veux-tu faire ?

— Moi ? dis-je… Je ne sais pas. En vérité, je ne sais pas.

Et je fixe mes yeux sur quelque chose, au loin, pour éviter son regard que je sens peser sur moi. Mais l’étreinte de sa main se resserre, sa petite main si fine et si jolie, qui semble exister par elle-même.

— Dis-moi ce que tu penses, Georges ! Je t’en prie, dis-le moi, si cruel que ce doive être.

Je dégage ma main et je me lève.

— Est-ce que je sais ce que tu penses, toi ? Je ne l’ai jamais su ! Dis-le moi, si tu veux que je te réponde. Dis-moi si tu m’aimes, d’abord !

Des larmes roulent dans les yeux de Charlotte.

— Je t’aime, oui… Oh ! Je ne sais pas… Je ne peux pas dire ! Je ne te connais pas. Je ne te vois pas. J’ai peur… Je devine des choses, à travers toi ; des choses atroces…

Je frappe du pied, car ses larmes me crispent les nerfs et m’irritent.

— Écoute, dis-je ; écoute des choses plus atroces encore. Il faut que tu les apprennes, puisque tu veux savoir ce que je pense. Je ne veux point vivre de la vie des gens que tu connais, que tu fréquentes, que tu coudoies tous les jours. Leur existence me dégoûte ; et, dégoût pour dégoût, je veux autre chose. J’ai déjà cessé de vivre de leur vie. J’ai… Tu sais, le vol commis chez Mme  Montareuil, ces quatre cent mille francs de bijoux et de valeurs enlevés la nuit. Eh ! bien…

Charlotte s’élance vers moi et me pose sa main sur la bouche.

— Tais-toi ! Je le sais. Je l’ai deviné ! Ne parle pas ; je ne veux pas… Viens.

Elle m’entraîne, me fait asseoir sur le divan et me jette ses bras autour du cou.

— Tu ne te doutais pas que je savais ? que j’avais