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LE VOLEUR

cri ; la défiance et la révolte des désirs ; les abandons et les reprises, les effusions et les froideurs ; et enfin, non pas la nausée, mais la rancune contre l’ennemi qui a failli vaincre — en redoutant de triompher. — Mais l’impression vive, âcre, pénétrante du plaisir est tellement profonde en moi, pourtant, qu’elle s’exprime longtemps après par les spasmes du cœur et les frissons nerveux. Je ne l’aime pas ; et il y a des moments où je l’adore, des moments très courts ; et d’autres où je la déteste, il me semble, de tout le poids de son esprit qui s’appuie au mien, si alourdi déjà et que je ne puis plus dégager. On dirait que nous ne voyons que la vie, quand nous sommes ensemble, la vie dont nous ne parlons jamais, hideuse et vieille, — vieille, vieille…

J’ai conscience qu’elle n’est pas pour moi ; et elle sent qu’elle n’est point faite de ma chair. C’est comme si je lui glaçais le cœur, comme si je pétrifiais sa sympathie ; comme si quelque chose nous forçait tous deux à refouler toujours plus profondément dans l’âme une passion intense que la sentimentalité n’ose pas défigurer et qui ne vit, même dans le présent, que de souvenirs de rêves. Ce sont les sourdes fermentations de la mémoire qui m’imprègnent d’elle, du sentiment obscur de sa supériorité qui domine toutes mes pensées, qui est comme une barrière devant ma volonté ; ses regards d’un instant qui ont rayonné pour jamais, ses gestes fugitifs mais impérissables, toute sa grâce mille fois révélée à moi et qui me reste si mystérieuse, toute la réalité de ses charmes, ne m’ont donné que des visions… Cela dure depuis des mois. Chaque fois, quand elle est venue, ç’a été un élan vers elle ; et, quand elle est partie, une délivrance. Je puis la revoir au moins, lorsqu’elle est absente ! Je la revois dans le fauteuil où elle était assise, devant la table où elle s’appuyait ; ce n’est pas son image qui est là ; c’est elle-même, elle tout entière. Et, quand elle vient, c’est une étrangère qui lui ressemble un peu ; mais je ne puis