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LE VOLEUR

qu’on viole ? » Parole d’honneur, j’avais envie… Ah ! bon Dieu ! se souvenir qu’on a un sexe et oublier qu’on possède un million… C’est à vous rendre révolutionnaire !

— Calmez-vous, mon oncle. D’abord, ces titres, ceux qui les détiennent n’en ont pas encore le montant ; on a les numéros, sans doute ; on fera opposition…

— Que tu es naïf ! C’est vraiment bien difficile, de vendre une valeur frappée d’opposition ! À quoi penses-tu donc qu’on s’occupe, dans les ambassades ? Figaro prétendait qu’on s’y enfermait pour tailler des plumes. On est plus pratique, aujourd’hui… Je ne dis pas que les ministres plénipotentiaires opèrent eux-mêmes…

— Est-ce que Mme  Montareuil est au courant des choses ?

Mon oncle tire sa montre.

— À l’heure actuelle, oui. Elle a trouvé, en rentrant chez elle, une lettre qui la mandait, seule, à la Sûreté ; elle est, depuis une demi-heure, en tête-à-tête avec un fonctionnaire qui lui révèle tout ce qu’elle sait et tout ce qu’elle ne sait pas. Elle écoute, en pleurant ses péchés. On doit lui apprendre que si, par hasard, on retrouve ses titres ou ses bijoux, on les lui remettra ; mais que, le principal coupable étant mort, on ne poussera pas les recherches plus loin, afin d’éviter un scandale. Affaire classée.

— Édouard ne saura rien ?

— Rien. Il n’aura qu’à se consoler de la perte de ses trois cent mille francs.

Petite affaire. « Plaie d’argent n’est pas mortelle », disent les bons bourgeois.

— Et Charlotte ?

— Je ne crois pas que j’aurai besoin de lui dire ce que je viens de t’apprendre.

— Mais que pense-t-elle ?

Mon oncle me regarde avec étonnement.

— Est-ce que je sais ? Elle n’a rien à penser. Je