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LE VOLEUR

règles affirmées extérieurement, si absurdes qu’elles paraissent à première vue. Montesquieu a écrit l’Esprit des Lois ; il est inutile, n’est-ce pas ? d’espérer faire mieux ; il ne reste donc qu’à s’attacher à leur lettre, qui ménage bien des alinéas… Ah ! à propos d’entraînements, reste en garde contre ceux de la sentimentalité ; le monde ne vous les pardonne jamais. Il ne faut avoir bon cœur qu’à bon escient. Rappelle-toi que le Petit Poucet a retrouvé son chemin tant qu’il a semé des cailloux, mais qu’il n’a pu le reconnaître lorsqu’il l’a marqué avec du pain.

Oui, je me souviendrai de ça. Et je saurai, aussi, que le Respect est un chat malfaisant et sans vigueur, chaussé de bottes de gendarme, qui terrorise la canaille au profit de très vil et très puissant seigneur Prudhomme de Carabas.

— Viendras-tu ce soir chez les Montareuil ? me demande mon oncle.

— Non ; je ne crois pas.

— Tu le devrais ; Mme Montareuil est charmante pour toi et Édouard est enchanté de te voir ; il est tellement timide qu’il se trouve gêné lorsqu’il est seul en face de Charlotte.

Ça, je m’en moque absolument. Mais je pense à Marguerite, la femme de chambre de Mme Montareuil, une jolie fille pas trop farouche dont j’ai déjà pincé la taille, dans les coins.

— Soit, dis-je, j’irai ; mais pas avant dix heures.


Mme Montareuil est une personne grave, avec une figure en violon, une voix de crécelle et des gestes qui rappellent ceux des joueurs d’accordéon. Je n’aime pas beaucoup les gens graves. Quant à Édouard, c’est un jeune homme sérieux. Qu’en dire de plus ? Transcrire sa conversation avec Charlotte ne me serait pas difficile.

— Quel beau temps nous avons eu aujourd’hui, Mademoiselle !

— Oh ! oui, Monsieur.