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LE VOLEUR

mon avis ; je n’avais pas à te demander le tien… J’ai fait ça dans ton intérêt ; crois-le si tu veux… » Tout d’un coup, il s’arrête, fait pivoter son fauteuil et me regarde en face.

— Il ressort de ce que je viens de t’exposer, dit-il, que les pertes qu’ont fait éprouver à ton avoir mes spéculations malheureuses montent à deux cent mille francs environ. Ma situation actuelle ne me permet pas de te couvrir de cette différence bien que, jusqu’à un certain point, je t’en sois redevable. Tu as le droit de m’intenter un procès ; en dépensant beaucoup de temps, et beaucoup d’argent, tu pourras même arriver à le gagner, et tu n’auras plus alors qu’à continuer tes poursuites, personne ne peut te dire jusqu’à quand. En acceptant ta tutelle j’avais pris l’engagement de faire fructifier ton bien, ou au moins de te le conserver ; les circonstances se sont joué de mes intentions. Que veux-tu ? Un contrat est toujours léonin ; l’homme n’a pas de prescience.

Je ne réponds pas. Mon oncle reprend :

— J’ai donc, aujourd’hui, six cent mille francs à te remettre. Ces six cent mille francs sont représentés par des valeurs dont voici la liste.

Il me tend une feuille de papier sur laquelle je jette un coup d’œil.

— Je pense, dis-je, qu’au cours actuel il n’y a pas là deux cent mille francs.

— C’est possible, répond mon oncle. Lis un journal. Ou plutôt, adresse-toi à un agent de change, car, plusieurs de ces valeurs ne sont pas cotées en Bourse, ni même en Banque. Lorsque je m’en suis rendu acquéreur, en ton nom, je les ai payées le prix fort. J’ai les bordereaux d’achat. Les voici.

Naturellement.

— Tu n’as aucune réclamation à élever contre moi à ce sujet-là.

Je m’en garderai bien.

— Et, tu sais, rien ne te force à accepter le règlement que je te propose.