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LE VOLEUR

— ont donné, dis-je, quelque idée de la morale qu’ils prévoyaient inévitable. « Ne méprise pas ton corps », a dit Isaïe. Monsieur, je ne connais point de parole plus haute. — Riche ! ne méprise pas ton corps ; car les excès dont tu seras coupable se retourneront contre toi, et la maladie hideuse ou la folie plus hideuse encore feront leur proie de tes enfants ; tu ne peux pas faire du mal à ton prochain sans mépriser ton corps. Pauvre ! ne méprise pas ton corps ; car ton corps est une chose qui t’appartient tu ne sais pas pourquoi, une chose dont tu ignores la valeur, qui peut être grande pour tes semblables, et que tu dois défendre ; tu ne peux pas laisser ton prochain te faire du mal sans mépriser ton corps. — Ça, voyez-vous, c’est une base. Il est vrai qu’elle est individualiste, comme on dit. Et l’individualisme n’est pas à la mode… Parbleu ! Comment voudriez-vous, si l’individu n’était pas écrasé comme il l’est, si les droits n’étaient pas créés comme ils le sont par la multiplication de l’unité, comment voudriez-vous forcer les masses à incliner leurs fronts, si peu que ce soit, devant cette morale qui ne repose sur rien, chose abstraite, existant en soi et par la puissance de la bêtise ? C’est pourquoi il faut enrégimenter, niveler, former une société — quel mot dérisoire ! — à grands coups de goupillon ou à grands coups de crosse. Le goupillon peut être laïque ; ça m’est égal, du moment qu’il est obligatoire. Obligatoire ! tout l’est à présent : instruction, service militaire, et demain, mariage. Et mieux que ça : la vaccination. La rage de l’uniformité, de l’égalité devant l’absurde, poussée jusqu’à l’empoisonnement physique ! Du pus qu’on vous inocule de force — et dont l’homme n’aurait nul besoin si la morale ne lui ordonnait pas de mépriser son corps ; — de la sanie infecte qu’on vous infuse dans le sang au risque de vous tuer (comptez-les, les cadavres d’enfants qu’assassine le coup de lancette !) du venin qu’on introduit dans vos veines afin de tuer vos instincts, d’empoisonner votre être ; afin de faire de vous, autant