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LE VOLEUR

l’empreinte d’une tristesse qui veut rester muette ; on dirait…

Mais la porte s’ouvre. Un vieillard sort du cabinet, un vieillard cassé, chancelant, à la face hâve et hagarde ; un spectre, un fantôme. Il ne me voit pas ; il ne voit rien ; ses yeux, comme lavés par les larmes, perdent leurs regards dans le vague. Mais, moi, je le reconnais. C’est Barzot… Un journal m’a appris, hier soir, qu’il allait donner sa démission. La grande jeune fille s’est levée, s’approche de lui, le soutient, l’aide à traverser l’antichambre. Sa fille, sans doute ; celle à laquelle il rêvait de donner Hélène pour belle-mère. Ah ! pitié…

C’est mon tour. L’huissier m’introduit en s’inclinant à 90 degrés, et je me trouve devant Courbassol. Le Courbassol que j’ai vu à Malenvers ; le même regard fuyant, la même physionomie vulgaire, la même lèvre immonde. La même voix, aussi, pendant qu’il me dit combien il est heureux de faire ma connaissance, combien mon rapport sur les prisons de Dalmatie était remarquable.

— Un travail de tout premier ordre, Monsieur ! Vous avez rendu, en l’écrivant, un véritable service à l’administration. Je sais beaucoup de gré à Mlle de Vaucouleurs, dont la famille était, paraît-il, fort liée avec la vôtre, de vous avoir désigné à l’attention du gouvernement. Mais croyez bien que son intervention n’a fait que précipiter les choses, car votre mérite est de ceux qui ne peuvent passer inaperçus. Gouverner, c’est choisir. Et nous, qui sommes placés au pouvoir par la démocratie triomphante, ne saurions l’oublier. Vos articles dans la « Revue Pénitentiaire » ont été fort remarqués en haut lieu ; et nous n’ignorons point que c’est à votre beau talent d’ingénieur que le monde doit la construction, à l’étranger il est vrai, de ce magnifique ouvrage d’art… cet aqueduc… ce viaduc… à… à… Mlle de Vaucouleurs me citait hier encore le nom de la localité…

— À Nothingabout, dis-je avec aplomb. C’est un