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LE VOLEUR

vous en prie, et menez-moi dans cette maison. Voici mon adresse. Vous êtes mon sauveur, monsieur l’abbé, vous êtes mon sauveur !…

Elle se confond en remerciements et l’abbé se lève pour la reconduire.

— J’ai promis à M. Randal d’aller le voir aujourd’hui, dit-elle ; devrai-je le faire ?

— Certainement, répond l’abbé. Un manque de parole de votre part lui donnerait l’éveil. Mettez-le au courant de vos bonnes intentions ; cela excitera peut-être en lui un repentir tardif. Et puis, arrêtez-vous sur votre chemin à Saint-Thomas d’Aquin, et entendez la messe. Ce sera une bonne préparation…

Je n’entends plus rien. Ah ! Geneviève de Brabant ! Moi qui étais le petit voleur chéri, l’autre jour, me voilà transformé en infâme Golo !… L’abbé revient.

— J’ai tout entendu, dis-je. C’est extraordinaire, vraiment.

— Oui, répond l’abbé, mais c’est naturel, dans l’état actuel des choses. Tous les instincts ont été tellement refoulés qu’ils ne peuvent revenir à leur plan normal que par des écarts insensés. Cette femme, qui a l’âme d’une prostituée, est aussi de l’étoffe dont on fait les saintes. Elle est, présentement, vierge et martyre comme les canonisées ; elle est hallucinée comme elles ; elle a leur méchanceté aveugle, leur fureur de remords et d’expiation, pour elles-mêmes et pour leurs semblables, leur amour des larmes… Que voulez-vous ? C’est, aujourd’hui, en général, la guerre sournoise, lâche et bête de tous contre tous, de troupes de fuyards contre des armées de déserteurs. Et, quand on sort de là, tout est en excès et en contrastes ; la folie sous toutes ses formes… Enfin, je la conduirai demain dans une maison où on la gardera quinze jours, un mois, le temps qu’il faudra pour que vous terminiez vos affaires ici, ou pour qu’elle change d’idées. Qui sait ? Peut-être l’y gardera-t-on toujours. Les couvents de femmes voient quotidiennement leur population s’accroître et la majorité des malheureuses qui