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LE VOLEUR

M. Randal m’a fait mener depuis. C’est la honte des hontes, murmure-t-elle à travers des sanglots.

— C’est effrayant ! s’écrie l’abbé. C’est absolument effrayant ! M. Randal est un misérable et s’est joué de moi d’une manière indigne. Mais l’heure du châtiment a sonné. Je vais le faire arrêter tout de suite.

Il se lève, fait deux pas et, tout d’un coup, pousse un cri.

— Impossible ! C’est impossible ! Nous ne pouvons pas le faire arrêter. Ces lettres de votre mère, qu’il possède, il ne les a pas avec lui, sûrement. Un scélérat aussi endurci prend des précautions minutieuses. Ces lettres, il les a mises en lieu sûr, les a confiées à un de ses associés ; et, sitôt son arrestation opérée, votre père sera mis au courant de ce que vous tenez tant à lui cacher ; un scandale terrible éclatera…

— C’est vrai, dit Geneviève de la voix rêche d’une femme prise au piège. C’est vrai…

— Que faire ? demande anxieusement l’abbé. Que faire ? Mon Dieu, éclairez-nous… Voici ce qu’il faut faire, reprend-il au bout d’un instant. Je vais m’employer à livrer M. Randal à la justice après lui avoir enlevé les moyens de vous nuire, à vous et aux vôtres. Mais cela demandera du temps. Dans l’intervalle, que ferez-vous, Madame ? Voulez-vous me permettre de vous donner un conseil ? Vous le suivrez si, comme je le crois, vous avez conservé au milieu de vos erreurs passagères ces sentiments religieux…

— Oh ! certainement, interrompt Geneviève avec feu ; je suis une croyante, monsieur l’abbé.

— Eh ! bien, vous n’ignorez point qu’il ne suffit pas au pécheur de détester ses péchés, mais qu’un peu de pénitence est nécessaire. Que penseriez-vous d’aller passer quelques jours dans une maison de retraite où je vous conduirais, où vous seriez très bien, où vous pourriez reprendre possession de vous-même et vous préparer à une nouvelle existence ?

— Oh ! s’écrie Geneviève, quelle joie ce serait pour moi !… Venez me prendre demain à onze heures, je