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LE VOLEUR

le voulez bien, monsieur l’abbé, je vais vous exposer d’un seul mot ma situation actuelle : que celui qui est sans péché me jette la première pierre !

L’abbé tousse légèrement.

— Si j’ai failli après tant d’années d’une vie sans tache, reprend Geneviève, c’est que les circonstances ont été inexorables. L’auteur de ma perte est M. Georges Randal. Il se dit votre ami, monsieur l’abbé, et vous le croyez un honnête homme. Eh ! bien, c’est un voleur.

— Ciel ! s’écrie l’abbé. Que m’apprenez-vous là, Madame ! Un voleur !

— Oui, Un voleur. Un voleur de la pire espèce. Un vrai brigand ! Je vais vous apprendre comment j’ai eu le malheur de tomber entre ses mains…

Et elle raconte notre aventure de Bruxelles, à sa façon, bien entendu. C’est à mourir de rire.

— Je ne pouvais ni me défendre ni crier à l’aide, dit-elle en terminant. Il me tenait au bout de son pistolet et m’aurait tuée au moindre signe. Ah ! certes, j’aurais bravé la mort si j’avais été en état de grâce ; mais je ne m’étais pas confessée depuis deux mois… Il a forcé le coffre-fort, le secrétaire ; il a pris tout l’argent et, hélas ! les lettres de ma mère… Ici, monsieur l’abbé, il faut que je vous révèle un secret de famille. Ma mère a eu un amant. Elle m’écrivait souvent, la malheureuse femme, pour me dire combien elle regrettait sa faute ; et mon mari, qui était dans la douloureuse confidence, gardait les lettres dans un tiroir de son bureau. M. Randal les a découvertes, et, aussitôt, il a vu tout le parti qu’il en pouvait tirer. Sous la menace de tout apprendre à mon père, il a exigé que je me livrasse à lui, que je prisse l’engagement de ne rien dire et de venir le retrouver à Londres dans les huit jours. Que vous dire de plus ? La piété filiale, toujours si forte dans le cœur d’une femme, l’a emporté en moi sur toute autre considération. Mon mari, que j’adorais, a été condamné malgré son innocence et je n’ose pas vous dire quelle existence