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LE VOLEUR

que je le mette en vente. C’est d’un bon débit, paraît-il.

Les vieux amis me serrent la main à la porte du cimetière et s’éloignent. Je reviens boulevard Haussmann avec l’abbé et Geneviève, qui continue à bouder. Le déjeuner nous attend. Nous nous mettons à table ; mais je suis dérangé deux ou trois fois par des fournisseurs qui m’obligent à quitter la salle à manger. Sitôt le café pris, Geneviève, qui se prétend très lasse et très émue, déclare qu’elle veut se retirer, rentrer chez elle. Elle me prie de ne pas l’accompagner, promet de venir déjeuner avec moi demain.

— Elle a un drôle d’air, dis-je dès qu’elle est partie.

— Oui, répond l’abbé. Et si vous voulez connaître sa chanson, venez donc chez moi demain matin, à neuf heures et demie. Pendant une de vos absences, tout à l’heure, elle m’a appris qu’elle avait des révélations à me faire et je lui ai dit que je l’attendrais demain à dix heures. Vous écouterez. Ne vous mettez pas martel en tête d’avance, sapristi !… Voyons, que joue-t-on aux Variétés, ce soir ?


Il va être dix heures et, depuis cinq minutes, j’attends, posté dans le cabinet de l’abbé, derrière la porte laissée entr’ouverte qui donne dans le salon où il va recevoir Geneviève, l’arrivée de ma petite femme. Je voudrais bien, histoire de tuer le temps, jeter un coup d’œil sur les nombreux papiers qui couvrent le bureau ; malheureusement, c’est impossible ; je ne saurai pas encore cette fois-ci quelles sont les occupations exactes de cet excellent abbé Lamargelle. Mais j’entends résonner le timbre. Voici Geneviève ; elle entre dans le salon. Je ne puis rien voir, naturellement, mais je perçois distinctement les paroles. Quelques phrases de politesse s’échangent d’abord ; puis, l’abbé demande d’une voix blanche :

— N’êtes-vous pas mariée, Madame ?

— Si, répond Geneviève ; je suis mariée ; et si vous