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LE VOLEUR

venant ; et, ainsi qu’on l’a dit, la mort n’est pas une excuse. Au fond, cette mort-là, voyez-vous bien, qu’elle eût déplu à certains Grecs, est presque un symbole. J’ai dans l’idée que la Société crèvera de la même façon. Cette bourgeoisie, qui est venue de bien bas, ne tombera pas de bien haut, allez ! Que de choses qui font semblant d’être, qu’on croit encore exister, et qui sont mortes !… Mais songez-vous à votre manuscrit ?

Oui, j’y songe. Je vais le placer dans le tiroir d’un petit meuble que je ferme soigneusement et dont je mets la clé dans ma poche. Puis, je sonne les domestiques. Nous sommes à genoux devant le lit, l’abbé et moi, quand ils entrent. Ils éclatent en sanglots. Un si bon maître ! Mais l’abbé, qui se relève un instant après moi, essuie leurs larmes d’une seule phrase.

— Il ne faut pleurer que sur la cendre des méchants, dit-il, car ils ont fait le mal et ne peuvent plus le réparer !… Comment trouvez-vous la sentence ? me demande-t-il tout bas. Elle n’est pas de moi, mais elle est si bête ! Rien de tel comme consolation…

Maintenant, il faut s’occuper des formalités. Les scellés, les déclarations, les lettres de faire part ; un mort n’est pas complètement décédé sans toutes ces choses-là.

Le notaire de mon oncle, Me Tabel-Lion, arrive le lendemain dans l’après-midi. Le testament semble l’étonner un peu, mais lui faire plaisir.

— Je suis heureux de voir, Monsieur, me dit-il, que votre oncle est revenu avant de mourir à de meilleurs sentiments. J’avais en mon étude un testament par lequel il vous déshéritait complètement et léguait toute sa fortune à l’Institut Pasteur ; il se trouve annulé de plein droit par ce document olographe. Une seule chose me chagrine dans les dernières volontés de votre oncle : cet enterrement civil. Mais enfin, il faut respecter toutes les convictions.