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LE VOLEUR

En somme, le papier que vous avez préparé n’a d’autre raison d’être que de supprimer tout testament antérieur et d’aplanir toute difficulté. En attendant, vous aurez à payer les frais des obsèques…

— Ils ne seront pas fort élevés. Mon oncle demande à être conduit au champ de repos dans le corbillard des pauvres.

— Bel exemple d’humilité ! dit l’abbé en riant. Sa résolution sera fort commentée, n’en doutez pas, et vous épargnera quelques billets de banque. Et pour amuser la paroisse, le service sera de dernière classe, n’est-ce pas ?

— La paroisse ? Vous plaisantez. Un enterrement civil, s’il vous plaît.

— Ah ! ah ! ah ! s’écrie l’abbé en se tordant de rire. Un enterrement civil ! C’est délicieux ! J’avoue que je n’aurais pas pensé à cela. Quelle trouvaille ! Mais, continue-t-il en étendant le bras vers la porte de la chambre, on n’entend plus rien, là-bas. Non, plus rien. Si vous alliez voir ?

J’y vais. Dans le grand lit placé en travers de la pièce une forme rigide est étendue ; la tête, qui creuse profondément l’oreiller, est émaciée, couleur de cire ; et les narines sont pincées ; et la bouche sans souffle entr’ouverte et les yeux retournés dans leurs orbites. Je relève le drap ; rien ne bat plus à la place du cœur ; la main est froide comme celle d’un… J’appelle l’abbé.

— Eh ! bien ? demande-t-il en entrant. C’est fini ? Je m’en doutais, continue-t-il en se dirigeant vers le cadavre dont il abaisse les paupières d’un coup de pouce. Y a-t-il un être suprême, oui ou non ? Grave question que votre oncle peut maintenant débattre avec Robespierre. Bizarre jusqu’à la fin, votre oncle. Quand on vient le voir mourir, on le trouve trépassé.

— Oui, dis-je, pas de mélodrame possible. Comme ç’aurait été beau et presque neuf, pourtant, l’apparition, à l’heure dernière, du spolié devant le spoliateur !

— Ne rions pas trop fort, dit l’abbé ; c’est incon-