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LE VOLEUR

— C’est ma maîtresse, dis-je ; de plus, mon oncle a dû s’efforcer d’en faire la sienne ; et enfin, c’est la femme d’un certain Delpich…

— Ah ! diable ! s’écrie l’abbé. C’est Mme Delpich ! Tiens ! tiens !… Mais je devine : ce cambriolage qui fit tant de bruit à Bruxelles… Racontez-moi donc l’histoire.

Je raconte ; et mon récit, coupé par les exclamations joyeuses de l’abbé, est scandé, aussi, par les râles de plus en plus faibles du misérable qui agonise derrière le mur.

— C’est vraiment bien curieux, dit l’abbé quand j’ai fini. Ce pauvre Delpich ! Enfin… Fortuna vitrea est… Sa mésaventure ne m’a causé aucun préjudice mais a dérangé certains de mes plans. Il faudra même que j’aille en Belgique d’ici quatre ou cinq jours… Vous avez dû faire une bonne affaire, ce soir-là ; je ne parle pas de la femme, qui est charmante, mais… À propos d’argent, vous doutez-vous de ce que sera le testament de votre oncle ?

— Tout à fait. C’est moi qui l’ai rédigé, de sa plus belle écriture.

— J’en étais sûr, dit l’abbé. Je le voyais dans votre poche, à travers l’étoffe de votre redingote. Avez-vous pensé à tout ? La part à réserver à Mlle Charlotte, par exemple, si l’on vient à retrouver ses traces ?

— Hélas ! dis-je, on ne les retrouvera jamais, ses traces. J’ai fait faire toutes les recherches possibles, et sans résultat. Ma conviction est qu’elle est morte, voyez-vous. Mais si, par bonheur, je me trompais…

— Ne m’en dites pas davantage. Je sais bien que vous lui rendriez toute la fortune de son père ; et je crois aussi que vous la garderiez, elle, n’est-ce pas ? C’était une femme.

— Oui. Une vraie femme. Ah ! si vous saviez ce que j’ai souffert, quand j’ai vu que je l’avais perdue ! Et dire que la vieille canaille qui crève là…

— Bah ! dit l’abbé, le diable est en train de lui tirer les pieds, à votre oncle. Laissez-le faire sa besogne…