Page:Darien - Le Voleur, Stock, 1898.djvu/418

Cette page a été validée par deux contributeurs.
401
LE VOLEUR

veilleux ! Elle a été mariée, n’est-ce pas ?… Oui ; je m’en doutais. Le mariage est une bonne école ; c’est encore la meilleure préparation à la vie irrégulière. Une femme qui n’a pas connu l’existence du ménage ne vaudra jamais grand’chose, comme cocotte…

Je crois qu’il y a beaucoup de vrai là-dedans.

Mais voici l’été venu. Belle saison ; plages et villes d’eaux. Nous avons été à droite et à gauche, Geneviève et moi. Tantôt ensemble, tantôt séparés. Je puis l’abandonner à elle-même sans aucune crainte ; je sais que ce ne sera pas en pure perte.

Pour le moment, par exemple, elle est à Aix-les-Bains. Moi, je suis à Royan. Je ne pourrais dire exactement ce que fait Geneviève ; mais moi, je flâne sur la Grand’Conge. J’observe quelques familles bourgeoises qui regardent la marée descendre. C’est assez amusant. Ces bons personnages examinent avec une joie béate le continuel mouvement des flots. On dirait qu’ils le surveillent. Ce qui les intéresse, dans la mer, c’est son activité perpétuelle, son incessante agitation. Ce qu’ils aiment en elle, c’est son éternel travail. Ils la contemplent, bouche entr’ouverte, yeux mi-clos, avec de petits hochements de tête qui semblent dire :

— Bien, bien, Océan ! Très bien. Travaille ! Donne-toi du mal. Continue ! Nous te regardons…

Oui ils se plaisent au spectacle de l’effort, de la peine, ces braves gens ; à la vue du labeur sans trêve. L’habitude. Ils préfèrent la mer aux montagnes. C’est pour ça.

Un domestique de l’hôtel m’arrache à mes méditations en m’apportant un télégramme. C’est Geneviève qui me prie de venir la rejoindre à Aix sans retard. Que se passe-t-il ? Je prendrai le premier train…


Que se passe-t-il ? J’ai le temps de me le demander pendant le voyage, qui n’en finit pas. J’arrive enfin à Aix, dans l’après-midi du lendemain, très inquiet, me figurant ceci, cela, que Geneviève est malade, par